Chapitre 3 : Au pied du mur
- showdollsworld
- 8 mai
- 6 min de lecture
Dernière mise à jour : 9 juin
Je repense à la promesse faite à Bruno la veille : "Nous sommes tes amis et nous sommes là pour t'aider. J'irai voir mon père."
Dès la première heure, déterminée, je franchis les portes imposantes des bureaux de mon père, le cœur battant plus vite que d'habitude.


Chaque visite ici m'intimide, car je sais combien Monsieur Sayu Novak est différent lorsqu'il règne sur son empire. Autoritaire et inaccessible, il se métamorphose à l'instant même où il pénètre ce lieu. Son aura, sa silhouette imposante, et ce visage aux traits durcis par l’expérience, imposent un respect teinté de crainte. Les détails ne trompent pas : le katana toujours à portée, les pieds nus symbolisant une certaine austérité, ses hommes de main silencieux, et ce chien intimidant qui rôde près de lui. Il incarne à merveille l'image du gangster redoutable.
« Tu es bien matinale, ma fille. Quand tu viens aussi tôt, c'est généralement que tu as besoin de quelque chose », lance-t-il, une pointe d'ironie dans la voix.
« Papa… enfin, Monsieur Novak… », balbutié-je maladroitement, sous les regards curieux de ses hommes. « Pourrions-nous parler en privé, s'il vous plaît ? »
À peine ces mots prononcés, je sens mon visage rougir, regrettant immédiatement mon hésitation. Mais Sayu, comprenant ma gêne, fait un geste rapide, de la main et ses gardes du corps disparaissent sans un bruit, la porte se refermant doucement derrière eux.

Nous voilà seuls, et le visage jusque-là rigide de Sayu s'adoucit légèrement. Derrière le masque du puissant homme d'affaires, je retrouve mon père.
« Papa, pourquoi es-tu toujours aussi dur avec eux ? Ne penses-tu pas que c’est exagéré ? Ils sont humains, après tout. Chaque fois que je viens ici, je sens cette atmosphère étouffante, sans parler de ce chien… il me terrifie », avoué-je avec sincérité.

« Premièrement, personne ne regarde ma fille de travers », réplique-t-il d’un ton ferme mais protecteur. « Ensuite, tu sais très bien qu’ici la sécurité est primordiale. Mes concurrents sont impitoyables. Je préférerais même que tu ne viennes pas ici. Souviens-toi, tu as insisté pour ne pas avoir de traitement particulier pendant ton stage, j’ai respecté ta décision. » Il sourit faiblement, mais je devine facilement l’inquiétude constante derrière ses yeux sombres.
Il se lève soudainement : « Allons, viens. Je comptais m’entraîner. Nous pourrons discuter en chemin. »
En le suivant, je ressens pleinement la complexité de notre relation, entre amour inconditionnel et barrières professionnelles. Malgré son apparence implacable, je sais qu’il tient profondément à moi, prêt à laisser tomber son masque, ne serait-ce que brièvement.

Au bureau, plongée dans les subtilités du délai de contestation d'une saisie conservatoire, je suis brusquement interrompue par Norbert, essoufflé comme s'il venait de courir un marathon. Je me lève par politesse, malgré ma réticence évidente.
« Ah, Gabrielle, je vous cherchais justement ! », lance-t-il avec excitation. « J’ai une excellente nouvelle. Un nouveau client insiste absolument pour que ce soit vous qui preniez son dossier, je ne sais pas pourquoi, mais nous allons faire avec. Il s’agit d’une affaire d’homicide involontaire. Martin prendra en charge vos autres dossiers, vous allez assurer "Gaby" »
Ma spécialité est le droit des sociétés, vous le savez très bien. Je n’ai jamais travaillé sur ce genre d’affaire, et j'ai déjà beaucoup à gérer. Pourquoi devrais-je transmettre mes dossiers alors que je travaille dessus depuis des mois ? Je ne veux pas accepter cette affaire », rétorqué-je avec fermeté.
« Vous n’avez pas le choix. Le client est prêt à payer une somme considérable immédiatement, et encore plus lorsque le dossier sera bouclé. Vous connaissez très bien la situation du cabinet. Prenez son numéro, contactez-le immédiatement », dit-il en glissant sans gêne un papier chiffonné dans la poche de ma jupe.
Je recule brusquement, indignée : « Comment osez-vous ? Je refuse catégoriquement. Je ne suis pas comme vous, je ne prendrai pas de pots-de-vin comme vous le faites régulièrement ! Et ne m'appelez pas Gaby.."
_ Vous avez peur, Gabrielle, mais vous n'avez pas le choix. J'ai conclu un accord avec le client. Il est hors de question de faire marche arrière. Il n'attend que votre approbation pour valider la transaction. Songez à ce que nous pourrions faire avec cette somme. Si vous ne vous soumettez pas, vous...”
_ Soumettre ?! N'y pensez même pas. Je ne prendrai pas cette affaire.
_ Vous faites une belle erreur, pauvre folle. Vous ne vous êtes jamais demandé pourquoi, après tant d'entretiens ratés, vous avez été recrutée ici ? et bien c'est grâce à votre père. Sans lui, vous ne seriez rien ! Vous êtes finie avant même d'avoir commencé. Personne ne voudra de vous.
_ Vous me menacez ? Vous n'avez aucun droit sur moi. Vous pouvez prendre en considération ma démission qui prend effet immédiatement.
_ Prenez garde, Harvey, vous allez le regretter.
Norbert saisit un dossier d'un geste brutal et quitte la pièce en furie, jetant le dossier en direction de la porte. Les feuilles s'envolent comme des oiseaux effrayés.
Je retourne à mon bureau déterminée, je rassemble mes affaires en i, et quitte le cabinet tout en gardant la tête haute, sans me retourner, ignorant les regards silencieux de mes collègues
Dans la salle d'entraînement

"Papa, je vais être directe. J'ai vraiment besoin de ton aide. Le père de Bruno a eu un AVC récemment. Avec cette terrible nouvelle, j'ai peur que Bruno ne sombre complètement sous le poids de la gestion du bar."
"Ma fille, je ne peux pas résoudre les problèmes de tout le monde, tu le sais très bien. Ton ami doit apprendre à se débrouiller seul. S'il a besoin d'aide, il peut toujours demander une formation en management à Kumiko."
« Mais Papa, son père a travaillé fidèlement pour toi pendant des années. Ce qu’il vit est imprévisible, dramatique. Ce n’est pas de formation dont il a besoin mais d’un soutien concret », insisté-je.
« Il a été payé correctement pour son travail, je ne lui dois rien. La vie est faite d’épreuves, ton ami doit apprendre à se battre pour ce qu'il veut, ce sont les bases de la vie. De plus, il a de la chance, je lui offre l'aide la plus précieuse qui soit : TOI. Je suis certain que tu trouveras une solution. J'ai des affaires plus urgentes à régler. Cette discussion est close."
Déçue, je comprends qu’insister davantage serait vain. Comment annoncer à Bruno que son appel au secours a échoué ?


De retour à son bureau, Monsieur Novak s’installe dans son fauteuil, pensif, puis décroche son téléphone : « Hôpital Ella Baker ? Passez-moi le Docteur Masson… »
La secrétaire : "Hôpital Ella Baker, bonjour. Que puis-je faire pour vous ?"
Sayu : "Passez-moi le Docteur Masson..."

Je descends les escaliers, consciente que c'est la dernière fois que je franchis la porte du cabinet "Filip et associés". Arrivant près du portail, je prends une profonde inspiration. Le concierge m'adresse un sourire surpris et me montre sa montre. C'est probablement la première fois en deux ans qu'il me voit partir avant le crépuscule. Je viens lui serrer la main pour lui dire au revoir.
J'arrive au parc, faisant les cent pas, ne sachant quoi faire. Norbert m'a poussée à bout. J'ai peut-être agi de manière impulsive, mais je ne pouvais plus supporter cet homme condescendant.
Je me décide à prendre le bus. Arrivée à destination, je traverse la longue allée bordée de grands sycomores. La grande propriété se dresse devant moi, ses clôtures offrant une protection partielle à l'intimité des lieux.
Face à la grande porte blanche, je sonne. Personne ne répond. Je sonne une seconde fois, et la porte finit par s'ouvrir, je le vois.
Ma voix se brise, étouffée par des sanglots retenus : "Papa, j'ai besoin de toi."

Dis-moi tout
Demander de l’aide est souvent perçu comme un signe de vulnérabilité, mais en réalité, c’est un geste puissant qui apporte de nombreux bienfaits, tant pour soi que pour les autres.
Tout d’abord, solliciter l’aide de quelqu’un permet de renforcer les liens. En reconnaissant qu’on a besoin d’un soutien extérieur, on crée des moments d’échange et de complicité qui solidifient les relations. C’est également un moyen d’accélérer la résolution des problèmes. Avec le recul et l’expertise des autres, les solutions viennent souvent plus vite et plus efficacement.
De plus, demander de l’aide introduit une diversité des points de vue, essentielle pour élargir notre compréhension d’un sujet ou d’une situation. Cela permet de voir les choses sous un nouvel angle, enrichissant ainsi notre réflexion. En outre, en sollicitant quelqu’un, on lui offre la possibilité de se sentir utile et valorisé, car chacun aime savoir que ses compétences et son savoir-faire peuvent faire une différence.
Enfin, demander de l’aide est un acte de courage et d’affirmation. Cela montre qu’on est capable de reconnaître ses limites sans crainte, et que l’on sait se tourner vers les autres en toute humilité et en toute confiance.
En bref, loin d’être une faiblesse, c’est une preuve de maturité et de force intérieure.
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